Pouvoir disciplinaire, agentivité et expériences de la prison du XIXe au XXIe siècle
Natacha Chetcuti-Osorovitz et Sandrine Sanos (dir.) Collection interdisciplinaire EMSHA
Cet ouvrage collectif interroge les manières dont pénalisation, carcéralisation et politiques d’État sont mises en question lorsque l’on soumet ces normes et régimes à une analyse croisée des logiques de genre et des rapports sociaux et politiques. Que fait la prison aux individus incarcérés, qu’ils soient hommes, femmes, trans ou non-binaires, à partir de l’analyse des rapports sociaux et des normes de genre ? Que peut-on voir de ces régimes de détention tels qu’ils sont appréhendés par des hommes ou des femmes condamné·e·s, qu’ils ou elles se définissent comme prisonni·er·ère·s politiques ou de droit commun ? L’un des apports principaux d’une épistémologie féministe est de rendre visible les fonctionnements et les effets du carcéralisme en faisant le lien entre le continuum des violences de genre, son traitement pénal et la criminalisation de la violence des femmes. Le fait que les femmes représentent une minorité au sein de la population incarcérée signifie qu’elles sont trop souvent invisibilisées dans l’analyse du système carcéral et que l’on ne tient pas assez compte de leurs expériences ni de leur subjectivité, alors qu’elles se trouvent aux prises avec ces modes disciplinaires. Comment comprendre la manière dont s’exerce la punition carcérale au prisme de la pluralité des trajectoires carcérales de ces prisonnières, de manière à restituer le réel judiciaire, pénal et correctionnel et ses mises en récit par l’institution et par ces femmes à travers leurs expériences ?
À cette fin, cet ouvrage s’intéresse aux formes de sociabilités carcérales, y compris celles que l’on définit comme « illégalismes politiques », face aux violences d’État. Nous entendons par illégalisme politique toute criminalisation des oppositions politiques dont les définitions pénales et délictuelles varient selon les contextes socio-historiques, politiques et territoriaux.
Dans une perspective pluri-disciplinaire (histoire, sociologie, sciences-politiques, anthropologie, criminologie et psycho-sociologie), ancrée dans des études de terrain privilégiant les discours des prisonnier·ère·s, l’ouvrage propose de penser ces questions dans une approche transnationale qui, à elle seule, permet de cerner aussi bien des historiques que des logiques particulières, et de réfléchir à la politique de la carcéralisation et à ses impensés selon les géographies et régimes politiques concernés : États espagnol, français, portugais et brésilien.
Ce livre se décline en trois parties, dont chacune déploie une thématique à chaque fois inscrite dans une analyse des rapports sociaux de sexe et des dispositifs de genre : désobéissance de genre et politisation collective ; sociabilités carcérales à l’épreuve des catégorisations pénales et juridiques et des rapports sociaux ; logiques de genre, rapports sociaux et carcéralisation.
En s’attachant ainsi aux désobéissances de genre, aux sociabilités carcérales et aux logiques de genre qui constituent le réel de la carcéralisation, chacune des contributions témoigne du fait que penser l’expérience carcérale au prisme des rapports sociaux de genre permet d’appréhender sur nouveaux frais la substructure des études carcérales en proposant un regard critique permettant de débusquer les impensés qui entourent le processus pénal.